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ou de Greifswald la gloire de parler savamment sur les choses futiles et de prendre, à propos de tout, leur point de départ au déluge. Je parlerai de mon sujet, selon mon caprice, un peu à tort et à travers, anecdotiquement plus qu’en toute autre forme. J’écris ce chapitre pour le plaisir de conter et non pour m’ennuyer du pénible labeur de faire l’histoire chronologique et philosophique des révolutions culinaires de l’Alsace. Celui qui espérerait trouver ici quelque chose qui ressemblât pour la profondeur aux fameux livres Des Poiz au l’art cum commento, que Pantagruel trouva en l’illustre librairie de Saint-Victor, se tromperait. Il fera bien de dédaigner et de passer ces pages frivoles, et d’attendre qu’un vrai savant, sorti du plus profond d’une université germanique, fasse le livre dont je n’offre que le prospectus.

La nature avait admirablement favorisé l’Alsace sous le rapport des productions alimentaires. Sous un climat tempéré, le sol y donne avec générosité tous les végétaux des latitudes moyennes. Ses plaines chargées de blés étaient fameuses[1] et ont plus d’une fois aidé à nourrir les contrées voisines ; ses vergers étaient les plus riches et les plus beaux de toute l’Allemagne[2] ; ses cultures potagères, notamment à Colmar et dans les environs de Strasbourg, avaient assuré le premier rang aux jardiniers alsaciens ; nous en avons déjà parlé ailleurs[3] ; ses vignobles renommés envoyaient leurs produits en Hollande, en Angleterre et jusqu’en Suède[4]. Les vieux cosmographes ne cessent, par leurs éloges, de relever les mérites et les agréments de notre province. Écoutons-en quelques-uns : « De tout temps, dit Doppelmeyer, l’Alsace a été appelée la cave à vin, la grange à blé, le garde-manger des pays environnants[5]. » — « Les anciens écrivains, dit Ursenson, parlent

  1. Diebold-Schilling, Schweitzer Chronick, p. 130.
  2. Ursenson, Elsasz und Breisgau aus Melecii, p. 29.
  3. Revue d’Alsace, année 1850, p. 56.
  4. Munster, Cosmographie, p. 807. — La Grange, Mémoire sur l’Alsace, mss., p. 299.
  5. Beschreibung des Elsasses, p. 4.