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Je ne pousserai pas plus loin cet essai de statistique. Il est suffisant pour la démonstration que je me suis proposée. Peut-être engagera-t-il un économiste à approfondir cet intéressant sujet pour l’éclaircissement duquel on trouvera dans nos chroniques, dans les règlements de police des villes, dans les comptes des communautés, etc., des indications nombreuses, à peu près complètes.

Si l’homme n’était pas, par excellence, l’être le plus divers, le plus capricieux et le plus mobile, on pourrait raisonnablement s’étonner de voir qu’il ne se soit point établi dans la société une entente expresse ou au moins tacite pour la fixation des heures de repas. — Les repas constituent des opérations réglementaires, périodiques et nécessaires qui doivent avant tout s’harmoniser avec les convenances générales de la société. La variété des climats, la diversité physiologique qui se manifeste dans le tempérament des peuples, la différence des habitudes nationales, des conditions d’hygiène, d’alimentation et de travail, ont nécessairement introduit de profondes dissemblances dans les usages horaires qui règlent la réfection habituelle de l’homme. L’Arabe et le Suédois, le Breton et le Grec doivent donc logiquement suivre, sous ce rapport, des régimes différents. Cette loi de dissidence peut même être vraie des Français aux Allemands. Mais qu’au sein du même peuple, sous un ciel semblable, dans le même état de civilisation, sous l’influence d’un même courant d’idées, de mœurs et d’occupations, l’on voie se produire l’anarchie la plus complète, les discordances les plus extrêmes dans l’établissement de ces usages, c’est ce qu’il n’est pas aisé de comprendre. L’Allemagne, sous ce rapport, était le modèle du désordre, et dans ce grand désordre, chaque province avait encore son désordre particulier.

Les anciens Grecs mangeaient trois fois par jour ; leur premier repas, qui était le principal, se faisait le matin ; il s’appelait ἄριστον ; le second (δόρπος) et le troisième (δέιπνον) n’étaient que de simples collations. — Chez les Romains, le repas fondamental, cœna, avait lieu à trois heures du soir en été et à quatre heures en hiver ;