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chambre. Cela se passait le lundi. L’évêque les retint encore le mardi en les assurant que le plus fort était fait et que désormais les poculations auraient une allure plus miséricordieuse. L’on se remit donc à l’œuvre. La députation ne quitta Saverne que le mercredi matin, le quatrième jour. Jean de Manderscheid n’avait pas voulu permettre qu’elle se mit en voyage à jeun ; il avait obtenu que les plénipotentiaires prendraient une petite soupe, dans leur chambre, de grand matin. Avant le point du jour, l’évêque était chez ses hôtes avec le bailli d’Oberkirch ; bientôt arriva le frère du prélat, le comte Arnold, puis plusieurs gentilshommes, puis les familiers du prince. Manderscheid et sa suite s’assirent à table avec les députés ; la modeste soupe du départ devint un nouveau festin aussi somptueux et aussi richement arrosé que les banquets précédents. Ils montèrent enfin dans un carrosse de l’évêque, à dix heures. Cette campagne gastronomique eut les plus heureuses conséquences politiques. Pendant le reste de l’épiscopat de Manderscheid, la meilleure harmonie ne cessa de régner entre le prélat catholique et la république luthérienne.

L’été comptait aussi quelques jours de réjouissances privilégiées. Le plus célèbre était la Pentecôte. Dans le Kochersberg et le comté de Hanau-Lichtenberg, le lundi de la Pentecôte était consacré à un divertissement spécial. Les jeunes garçons allaient de maison en maison recueillir des œufs, du lard, des gâteaux de fleur de farine (mozen) et d’autres comestibles, qui servaient à un joyeux repas d’après-dînée. La quête se faisait par deux groupes. Celui des petits garçons chantait :


Pfingstequack het d’Eir g’fresse,
Het d’Ochse und d’Ross im Stall vergesse.
Heb’ inge n’us, heb’ owe n’us,
Heb’ alli blut und blingi Vegel us.
En Ei erus ! En Ei erus !
Oderschick der de Marter in’s Hienerhus.


(La bête de la Pentecôte a mangé les œufs, et a oublié les bœufs et les chevaux dans l’écurie. Prends-en par en bas, prends-en par en haut, prends tous les petits oiseaux encore nus et aveugles ! Donne un œuf ! donne un œuf ! sinon je t’envoie la martre dans le poulailler.)