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les fêtes de la Saint-Martin avec lui. Ils y restèrent jusqu’au 12. Ce furent quatre jours de bombance plénière. Messieurs de la ville passaient d’un repas à un autre. À peine avaient-ils déjeuné que les pages les cherchaient pour le dîner ; la fatigue du dîner n’était pas encore dissipée dans les douceurs d’une courte sieste que les officiers de l’évêque les conviaient au souper qui les attendait. Les vins les plus exquis étaient servis à profusion. La veillée de Saint-Martin fut magnifiquement célébrée. Jean de Manderscheid était un rude lutteur, un des plus preux buveurs de l’empire, un véritable paladin de la table ; sa gaîté était historique, sa bonhomie fine, expansive et inépuisable, son pantagruélisme entraînant. Ses pages et ses échansons entrèrent ce soir-là si libéralement dans la pensée du maître que quatre députés succombèrent avant qu’on fût au bout de la bataille ; l’ammeister Lorcher et le docteur Botzheim, l’avocat général, restèrent seuls en état de tenir tête au prélat et aux dignitaires éprouvés de sa maison. Voici, d’après la relation du secrétaire des XXI, comment on opérait à la table de l’évêque : « Il y fit placer d’abord une grande canette de bois tourné, à vaste embouchure et de la hauteur d’un demi-boisseau ; elle était remplie de vin dans lequel étaient immergés des quartiers de poires confites. Sa Grandeur en retira un quartier avec une fourchette d’argent, le mangea et fit passer le vase à ses convives. Pendant qu’il circulait à la ronde, les pages apportèrent deux cruches en grès de Cologne, chacune de la contenance de six pots ; l’évêque but le premier coup dans chacune d’elles et les fit passer aux assistants qui burent à leur tour. Après ces éprouvettes initiales, l’on apporta les coupes et les gobelets en vermeil, que les pages remplirent sans discontinuité de Lüppelsberger et d’autres vins rares et délicieux[1]. » Il ne faut pas s’étonner qu’après un pareil traitement chacun des députés ait eu besoin, comme l’ajoute le secrétaire, du secours de deux gentilshommes pour gagner sa

  1. Schnéegans, Das Martinsfest. Loc. cit., p. 82.