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jeunes gens des deux sexes, qui d’habitude fréquentaient la même veillée (Kunkelstube), se réunissaient pour prendre un régal et se divertir. Un des amusements favoris de cette nuit, où tous les foyers étaient en activité, consistait pour les jeunes garçons à se glisser traîtreusement dans les cuisines mal surveillées, et d’y enlever les casseroles et les poëlons, contenant et contenu. Dans certaines maisons, où l’on n’attendait aucun convive, la Sperrnacht était signalée par la bizarre coutume[1] d’y tenir chaud et préparé un repas complet ; cet usage est un débris évident des habitudes du paganisme.

Très-anciennement, la journée du 30 décembre était aussi consacrée aux exercices de la convivialité. Le poëte alsacien Cunrat de Dankrotzheim, qui vivait au commencement du quinzième siècle, nous apprend que l’on célébrait ce jour-là « die milte Behte ». C’était un repas fait entre bons voisins et francs amis, à ce qu’il paraît, au moyen de cotisations en nature :


Darnauch so komet die milte Behte
Die nacht hat gar ein gross Gslehte,
Die Stick zwene broten an den Spiss
Und briete und machte einen guten Friss,
Und geriet in uff die Ahssel fassen
Und ginge mitte behten affter den Gassen
Und drug da uff on alles Duren
Und lud ir guten Nachgeburen[2].


Plus tard, aux quinzième et seizième siècles, l’expression de Behte prit une signification plus générale. Sous la forme du verbe Bechten elle désigna l’usage où étaient les compagnons de métier, pendant les fêtes de Noël, de solliciter des comestibles dans les maisons, licence qui fut réprimée par les statuts de la tribu des bateliers de Strasbourg et limitée à la seule visite des maisons des maîtres de la profession[3].

  1. Alsatia, année 1852, p. 146.
  2. Conrad de Dankrotzheim, Heiliges Namenbuch, p. 123.
  3. Scherz, Glossar. V° Bechten. — Stœber, Alsatia, 1852, p. 149.