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puis à Ribeauvillé qui resta jusqu’en 1789 la capitale du royaume idéal de la musique alsacienne. Elle avait ses statuts et ses privilèges[1]. Chaque année, une assemblée solennelle (Pfeiffertag) avait lieu à Ribeauvillé le 8 septembre, jour de la Nativité de la Vierge. Réunie à l’auberge du Soleil, la confrérie des joueurs d’instruments se mettait en marche vers l’église, à neuf heures du matin, au son des cloches, au bruit des trompettes et des tambours, bannière en tête. Derrière la bannière, marchait le Roi des musiciens (Pfeifferkönig), portant sur son chapeau la couronne, emblème de sa dignité ; après lui venaient le tribunal de l’association (Pfeiffergericht) précédé de son sergent, puis les ménétriers deux à deux, décorés de leur médaille d’argent à l’effigie de Notre-Dame et jouant, chacun à son gré, de son instrument. Une messe solennelle à grand orchestre était célébrée. Tous les confrères, suivant le roi, allaient à l’offrande. Après la messe, le cortège montait au château et rendait hommage au comte, roi de l’association, par des concerts et des symphonies. Ce devoir accompli, la confrérie redescendait à l’auberge du Soleil, où l’attendait le banquet prescrit par les statuts. Aucun ménétrier ne pouvait se dispenser d’y assister ; il payait son écot sur le pied dont le roi était convenu avec l’aubergiste. Le comte-roi était exempt de tout écot pour lui et deux confrères ; les quatre maîtres ou jurés formant le tribunal ne payaient que la moitié. À quoi pensent donc les historiens et les chroniqueurs ? Ils n’ont laissé aucun détail sur ce fameux repas. Je passe cette négligence à Radius, à Scheid, ils étaient jurisconsultes ; mais les autres, qui les empêchait d’être moins secs et plus curieux de ce qui se passait dans une réunion de cinq ou six cents musiciens ? J’imagine qu’au centre du meilleur vignoble d’Alsace, dans une fête consacrée

  1. Voyez Scheid, De Jure in musicos singulari Rappolsteinensi. Argentor., 1719. In-4°. — Bernhard, Les Joueurs d’instruments d’Alsace. Paris, 1844. In-8°. — Heitz, Das elsässiche Pfeiffergericht. Alsatia, 1856-1857. — Radius, De Dignitate comitum Rappolstein. Argentor., 1745. In-4°.