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La petite horde de pâtissiers imaginée par Fourier aurait trouvé de l’emploi et un travail attrayant au Schwörtag du vieux Strasbourg, car les femmes ne font rien à demi, ainsi que le témoigne ce second adage né dans les impressions de ce jour de bombances féminines :


Der Männer Schwörta
Der Wiwer Zechta[1].


(Le Schwörtag des hommes est le jour de gala des femmes.)


Dans le Sundgau et quelques autres parties de l’Alsace, les femmes avaient aussi conquis une journée d’indépendance, non à l’ombre d’une Constitution municipale, mais par la vertu de l’institution plus large et plus durable du carnaval. Le lundi de carnaval, qu’on appelle aussi Hirztag[2], les femmes et les filles avaient seules le droit de se montrer dans les auberges et cabarets, d’y boire et d’y manger. Elles y allaient par troupes et faisaient bravement fête à la circonstance. Malheur à l’homme altéré qui ne sait pas se résigner à son exil d’un jour ! À peine a-t-il franchi le seuil de la porte que les femmes se jettent sur lui et lui enlèvent de vive force son chapeau ou sa casquette qu’il ne peut racheter qu’en se retirant et en soldant quelques bouteilles de vin que les viragos boiront sans lui. Les incrédules peuvent encore expérimenter aujourd’hui l’influence de cet ancien usage à Zimmersheim et à Eschentzwiller[3]. Le poëte Moscherosch l’avait présent à la mémoire quand il a dit :


Spitze Schue und Knöpflein dran,
Die Frau ist meister und nicht der Mann.


(Quand la femme chausse ses souliers pointus à petits boutons, c’est elle qui est la maîtresse et non pas le mari.)


Peuchet, qui décrivait le département du Bas-Rhin en 1811,

  1. Piton, Strasbourg illustré. Ville, t. Ier, p. 172.
  2. De hirzen (zechen, schmausen), se divertir à table, faire chère-lie.
  3. Aug. Stœber, Alsatia, 1851, p. 122.