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et dorée sur les bords. Autour de ce bœuf on avait disposé 100 livres de saucisses, 12 oies, 12 canards, 6 cochons de lait et 36 poules. Le bœuf lui-même était farci de deux moutons rôtis. Ce gigantesque rôti fut présenté au roi dans la cour du palais ; de là on le conduisit à l’Hôtel de ville ; quatre bouchers le découpèrent et le distribuèrent au peuple. On distribua aussi là et sur la place d’Armes du pain et des saucisses, et dans ces deux endroits des dauphins dorés répandaient autour d’eux du vin rouge et du vin blanc[1]. »

Dans le langage exact de l’art, ce bœuf entier ainsi farci était appelé, en France, bœuf à la troyenne, par allusion au fameux cheval de Troie. Il a donné l’idée du sanglier à la troyenne, et avec le progrès de la civilisation moderne celle du rôti à l’impératrice que nous devons à Joséphine Beauharnais[sic]. La bonne et sensuelle souveraine imagina de renfermer une olive et des filets d’anchois dans une mauviette, la mauviette dans une caille, la caille dans un perdreau, le perdreau dans un faisan, le faisan dans une dinde, et la dinde dans un cochon de lait. C’est le rôti suprême. Il serait intéressant de savoir quel cas Napoléon faisait de l’invention de sa femme.

Le couronnement de Louis XVI fut d’un moindre profit pour les habitants d’Ensisheim que ne l’avait été pour la populace de Strasbourg le passage de son aïeul. Les bourgeois qui avaient assisté en armes à la cérémonie commémorative du sacre ne furent gratifiés que d’un pain de deux sols et d’un pot de vin ; pour le surplus des habitants cette prestation fut réduite à la moitié[2]. Il est vrai que le roi était à cent lieues.

La présence d’une tête couronnée n’est pourtant pas un pronostic certain et constant que le peuple sera régalé, comme on peut le voir par le voyage que fit à travers une partie de l’Alsace

  1. Album alsacien, 1833. In-4°, p. 85. — Piton, Strasbourg illustré. Ville, p. 190.
  2. Merklen, Histoire d’Ensisheim, t. II, p. 335.