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L’aurochs a été chassé dans nos montagnes par les rois de la première et la seconde race. Le wisent ou bison n’a disparu qu’après l’aurochs, et au seizième siècle, les Vosges d’Alsace offraient encore au chasseur le bœuf des bois, qui n’était que le bœuf ordinaire à grandes cornes vivant dans les forêts à l’état sauvage[1]. Le bouquetin, animal qui est devenu rare même dans les Alpes des Grisons, a encore été vu en Alsace dans ce siècle ; on en a tué un dans les hautes montagnes du groupe du Hoheneck vers 1810. Enfin, le médecin Rösslin signale fort au long la présence dans les Vosges, à la fin du seizième siècle[2], du cheval sauvage (Equus feralis). Le mangeait-on ? Il se peut qu’à cette époque sa chair eût été exilée des cuisines et qu’on se bornât à le capturer pour le réduire en domesticité, où il devenait, dit Rösslin, l’égal des chevaux espagnols et turcs. Mais je ne vois pas pourquoi sa chair eût été méprisée dans les siècles, comme nous le voyons par le Liber benedictionum, composé en l’an 1000 par Ekkehard VI, moine et maître des écoles de cette maison ; ce livre est une espèce de rituel gastronomique qui contient les diverses formules de bénédiction que l’on devait prononcer sur chacun des mets servis sur la table du couvent. Ces formules sont en vers alexandrins et contiennent des renseignements bien précieux sur les usages alimentaires de cette époque reculée. La viande de cheval sauvage y est désignée. Une de ces formules nous révèle aussi que les moines de Saint-Gall appréciaient la marmotte comme un gibier délicat, car en présence de ce plat, ils ajoutaient à leur Benedicite ce souhait d’une sensualité réfléchie : « Puisse notre bénédiction la rendre grasse. » Cette qualité est,

  1. Tschudi, les Alpes, p. 664. Ce naturaliste dit formellement qu’on chassait le bœuf des bois dans les Vosges au seizième siècle.
  2. Rœsslin, Das Wasgauische Gebirg, p. 22.