Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/153

Cette page n’a pas encore été corrigée

sauge, et des baies de genévrier pilées ou de gingembre ; ainsi préparées, les poupiettes sont roulées, mises à la broche et servies tantôt sèches, tantôt masquées d’une sauce rousse[1].

Les tétines de vache, coupées en dés et cuites au bouillon gras avec beurre frais, muscade, romarin, sauge et autres aromates indigènes, me paraissent avoir constitué un mets assez suspect[2]. J’aime mieux pour le nom et pour la chose le Katzengeschrey ; le plus ancien souvenir en remonte au vénérable sermonnaire Jean Geiler[3], et le savant Oberlin nous apprend que, de son temps, cette expression était encore usitée, aussi bien que le mets qu’elle dénomme[4]. Il se donne même la peine de le définir : Cibus e variis carnibus mixtus. Ce plat est encore actuellement pratiqué en Bavière et en Souabe sous le même nom. Il est fort simple, et digne de respect, parce qu’il est une inspiration du génie économique de la mère de famille. Il est composé des ruines de quelque rôti majestueux de la veille et d’autres reliefs des grandes pièces de viande ; ces débris sont coupés en petits dés et cuits dans une sauce jaune[5]. Mais qui nous expliquera la cause du nom extraordinaire et fantastique que l’imagination du peuple a imposé à une chose aussi innocente ?

Je crois qu’il y a bien longtemps que le cabri n’est plus admis sur les tables où règne quelque bon goût. Il était pourtant estimé dans les siècles précédents. Au dix-septième, on le tranchait en quatre quartiers ; on oignait la chair avec de la sauge, de la marjolaine, du romarin, du lard doux, des zestes d’orange ou de citron ; on rôtissait les quartiers à la broche. Ainsi paré, le cabri réjouissait les plus difficiles[6].

  1. Buchinger, Koch-Buch de 1671, formule 102.
  2. Idem, formule 46.
  3. J. Geiler, Pater noster. Strassb., 1508. In-fol., 5.
  4. J.-J. Oberlin (Vierling), De J. Geileri scriptis german. Argent., 1786. In-4°, p. 37.
  5. Schmeller, Bayerisch. Wœrterbuch, t. II, p. 346.
  6. Buchinger, Koch-Buch de 1671, formule 124.