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safran, de sel, de persil, de cannelle, de vin et de sucre. La cuisson devait être opérée lentement et à un feu très-doux. C’est encore une formule de l’abbé Buchinger, qui recommande aussi les pâtés d’escargots, pâtés maigres très-fins et fort en honneur sur les tables orthodoxes des dignitaires ecclésiastiques. — Quelques fruits spéciaux étaient même entrés dans le domaine du pâté. L’on faisait, en Alsace, au dix-septième siècle encore, des pâtés de coings ; on cuisait le fruit dans un vin généreux que l’on surexcitait par une riche adjonction de cannelle, de gingembre, de safran, de poivre, de sucre ou de miel. Mais au-dessus de toutes les variétés nombreuses du pâté, la première place appartenait au foie gras dont j’ai abondamment parlé, et par delà les régions connues, dans une solitude presque inaccessible, régnait le pâté de foies de lottes que j’ai déjà indiqué. — En dehors de ces individualités sérieuses, nos anciens connaissaient aussi déjà et pratiquaient avec succès les petits pâtés chauds, miniatures gracieuses et succulentes que l’on plaçait à l’entrée du dîner comme on place un avant-propos souriant en tête d’un livre grave. Les anciens formulaires nous offrent de ces petits pâtés faits avec de la chair de veau ordinaire, des ris et du palais de veau, de la viande de bœuf hachée, du poisson, des épinards, des boulettes de moelle de bœuf, du riz au lait, du fromage, etc. Le mérite de chacun de ces caprices culinaires réside, comme de juste, dans la délicatesse, la convenance, la perfection esthétique de l’apprêt.

L’industrie des pâtissiers publics a joué de bonne heure un rôle notable dans l’art alimentaire. Dans les anciens temps, les boulangers préparaient, fabriquaient les pâtés et toutes les espèces de pâtisseries. Mais cette branche d’exploitation avait acquis une telle importance au seizième siècle que le Magistrat de Strasbourg crut devoir, en 1557, rendre une ordonnance qui prononça sa séparation des professions de boulanger et de pâtissier[1]. Ils travaillaient

  1. Archives municipales de Strasbourg. Règlements relatifs à la police des tribus de métier.