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des plus agréables. Jusqu’en 1738, il était dédaigné en Lorraine et en Alsace. Sans les orages politiques qui agitèrent la Pologne, à cette époque, il le serait peut-être encore. Mais le roi Stanislas, chassé de ses États, ayant obtenu le duché de Lorraine de son beau-père[sic] Louis XV, avait amené avec lui une colonie de seigneurs et d’officiers polonais qui ne tardèrent pas à mettre ce bolet en vogue. La gratitude des Lorrains consacra le souvenir de cette révélation gastronomique ; le bolet, dans cette province, n’est désigné dans l’usage que sous le nom de polonais. Les Alsaciens profitèrent d’une révélation si utile. Après le polonais viennent le bolet orangé, qui croît à l’orée des bois de la région du grès vosgien ; le bolet rude (Scaber) ; le foie-de-boeuf (all. Leberpilz) ; le pied-de-mouton noir (all. Ziegenfuss), très-recherché et d’un goût très-agréable ; le polypore en bouquets ou poule-de-bois (Klapperschwamm), qui se présente sous la forme d’une réunion de chapeaux imbriqués, dont le poids s’élève parfois à 20 livres ; puis quatre espèces essentiellement allemande : le Kuhschwamm (Boletus bovinus), l’Eichhase (B. umbellatus), le Bingpilz (B. luteus) et le Schmerling (B. granulatus), qui jouit d’une considération particulière auprès des gourmets de Mulhouse. Je donne les noms latins de ces espèces, non par pédanterie, mais faute de mieux. Mais au-dessus de tous les bolets trône le bolet bronzé, le plus suave et le plus délicat de tous les membres de cette intéressante famille ; son chapeau brun à reflets métalliques lui a fait donner le nom de gendarme noir.

Le groupe des agarics est le plus riche de toute la classe de ces êtres végétaux bizarres qui exercent depuis si longtemps la patience et la curiosité des botanistes. Il contient un grand nombre d’espèces alimentaires, savoureuses et délectables, mais une très longue expérience et l’attention la plus vigilante peuvent seules affranchir nos tables du danger d’y voir apparaître sous des formes séduisantes les poisons les plus perfides et les plus violents. Je ne citerai pas toutes les bonnes espèces d’agarics, je me bornerai à celles qui sont le plus usuelles et le plus répandues dans nos