traités, il faut regarder ceux qui prennent le temps de se laisser faire. M. Paul Forstner, fils du chancelier de Montbéliard, eut bien garde de se montrer si affairé quand le conseil de la ville se mit en tête de le fêter dans le village d’Audincourt, le 4 octobre 1661. Le repas fut fort riche et « MM. du conseil fort joyeux ». On va juger que cette satisfaction reposait sur des motifs solides ; ils sont consignés sur l’état du menu : « Deux potages avec poules et viande de bœuf, deux poules avec endives cuites, deux jambons, deux salades, une langue, un pâté rond de chapon, trois carpes, deux poules d’Inde, une oie, un rôt de venaison, deux lièvres, une longe de veau, un plat de choux-fleurs, cinq perdrix et gelinottes, huit bécasses, grives et alouettes, neuf pigeons, six artichauts, un plat de beignets, une tarte, un gâteau feuilleté, deux autres gâteaux, un plat d’écorce de citron, un plat de dragées et muscadins, deux plats de confitures sèches, un plat de raisins, et dix-neuf pots de vin. » L’ordre de présentation des mets peut, en quelques points, présenter des différences avec nos usages ; mais il faut bénir le temps où un pareil banquet ne s’élevait qu’à 56 livres et 16 sous, y compris la nourriture des chevaux qui avaient amené les convives. Les fatigues de cette rude journée ne permirent pas de faire un lendemain, comme c’était d’obligation anciennement. Mais MM. du conseil firent un beau surlendemain en compagnie de leurs femmes. Ils s’y querellèrent, s’y battirent et payèrent 11 livres et 4 sous pour la vaisselle et les verres cassés[1].
L’on a beaucoup chansonné la Restauration et ses ventrus, comme si elle avait été la première à découvrir le secret de diriger la politique avec de bons dîners. Ce procédé remonte, en Alsace, au moins à l’année 1696. À cette époque, M. Schérer, bailli de Neuf-Brisach, avait à soutenir un procès au sujet d’élections plus ou moins régulières qui s’étaient faites sous son influence. Désirant engager ses administrés dans son parti, il les fit tout simplement
- ↑ Duvernoy, Éphémér. de Montbéliard, p. 382.