Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/122

Cette page n’a pas encore été corrigée

du reste, pas aussi agréablement partout. Il y avait des cours colongères de mauvais renom, comme celle des comtes de Ribeaupierre à Guémar, à laquelle la malignité rustique avait donné le sobriquet de cour sèche (Trockener Dinghof), parce que les colongers n’y recevaient rien. Le cas était d’autant plus sensible que, dans le même endroit, la reconnaissance des gens de la colonge du chapitre de Saint-Dié avait donné à cette cour l’honorable surnom d’humide (Nasser Dinghof), parce que, à l’inverse de l’autre, l’on y était loyalement nourri et surtout abreuvé[1].

L’on peut voir dans les coutumes qui régissaient ces antiques institutions jusqu’où était porté le génie prévoyant de l’Alsacien pour son bien-être gastronomique, ne fût-ce que pour quelques heures. À Seppois, les colongers étaient assujettis à un jour de corvée au profit du bailli ; en retour, celui-ci devait leur donner à boire à discrétion et leur fournir de la viande en telle sorte qu’elle dépassât et débordât l’assiette de chacun : quant au pain (Weckenbrod), il fallait qu’il fût assez abondant pour que le colonger, son valet et son chien en fussent nourris[2]. Les tenanciers du chapitre de Saint-Thomas de Strasbourg, sur le ban de Niederhausbergen, avaient droit, chaque année, à un repas commun. Dans ces agapes agricoles, chaque charrue était représentée par deux convives adultes, plus par un jeune garçon, et à défaut de celui-ci, par le chien du tenancier, idée touchante qui associe le fidèle serviteur de l’homme aux joies de son maître ; le chapitre fournissait deux plats de viande, et la viande devait déborder de quatre doigts les deux extrémités du plat ; vin en suffisance, dit le titre[3]. Je terminerai par le récit d’un usage singulier en vigueur encore au quinzième siècle sur le Kœnigsgut de Wasselonne. C’était une cour colongère d’origine mérovingienne, vendue à

  1. Heitz, Die Dinghœfe. — Alsatia, 1854-1855, p. 38.
  2. Rôle de la colonge de Seppois. Coll. mss.
  3. Rôle de la colonge de Niederhausbergen. Coll. mss.