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longtemps et largement bû[1]. » Et ailleurs : « Ilz se régalent rarement, mais aussy tout y va lorsqu’ilz font tant que de se traiter ; ilz servent une si prodigieuse quantité de plats qu’on est rassasié avant que d’en manger[2]. »

Le dix-huitième siècle n’était pas fait pour changer ces inclinations. L’abbé Grandidier était si frappé de leur persévérance et leur solidité qu’il réunissait des matériaux pour un mémoire qui devait traiter de la coutume qu’avaient et qu’ont encore, dit-il, les Allemands de bien boire ; et dans une lettre qu’il écrivait, en 1779, à Dom Grappin, abbé de Saint-Ferjeux de Besançon, il lançait cette boutade : « Vous trouverés dans les abbayes de cette province peu de science et point de bibliothèques, mais de la bonhommie et du bon vin[3]. »

Enfin, en pleine Terreur, le citoyen La Vallée, qui nous a laissé une description à sa façon des deux départements du Rhin, tout en crayonnant un portrait assez flatteur de ces « Français du Rhin, que l’on nommait sous le règne de l’inégalité Alsaciens », ne croyait pas pouvoir se refuser à cette remarque restrictive : « s’ils ont l’amour du travail, ils n’ont pas la tempérance qui, pour l’ordinaire, l’accompagne. Ils se livrent facilement aux désordres de l’ivresse. Comme la danse est leur passion favorite, et que les fatigues de cet exercice amènent la nécessité de boire, il est rare qu’un dimanche ou une fête se passe sans quelque rixe violente et malheureusement suivie de quelque effusion de sang[4]. »

Tout cela, j’en conviens, n’est plus que de l’histoire ancienne, de l’archéologie et nous sommes entièrement transformés aujourd’hui. Chacun le sait. Les mœurs du passé sont seules intéressées

  1. Maugue, Hist. natur. de la province d’Alsace. Mss. de la Bibl. nat. In-fol., t. Ier, p. 131.
  2. Idem, p. 148.
  3. Corresp. de Grandidier avec Dom Grappin, Revue d’Alsace, 1855, p. 331.
  4. La Vallée, Voyages dans les départemens de la France. Haut-Rhin. Paris, 1793. In-8°, p. 8.