Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/117

Cette page n’a pas encore été corrigée

Montaigne dit bien d’autres choses encore que nous rappellerons peut-être ailleurs.

Ni la Réforme, ni le temps, ni la conquête française ne réussirent à déraciner ces habitudes, qui semblent décidément congéniales dans la race alsacienne. L’intendant de La Grange rapporte, à la fin du dix-septième siècle, « que les curés y ayment naturellement le vin et les compagnies, et comme c’est un usage parmi les prestres et les religieux allemands qui est approuvé des peuples, il ne faut pas espérer de les faire revenir de cette mauvaise inclination ; il leur faut une plus grosse portion congrue pour subsister que non pas à un curé françois, et pour ce qui est de donner à boire et à manger, ils le font avec profusion[1] ». Il ajoute « que la noblesse ayme aussy la joie et qu’elle s’adonne beaucoup à la débauche[2] ». Le peuple et la bourgeoisie imitaient, comme de juste, la noblesse et le clergé. « Ces peuples sont fort portez à la joye et ils ayment trop le vin pour ne pas dire que c’est un de leurs plus grands deffauts ; ils ne demandent qu’à vivre avec douceur… L’artisan travaille toute la semaine pour aller au cabaret le dimanche, à la promenade et à la danse[3]. » J’ai déjà cité quelques jugements assez rudes du médecin Maugue, qui écrivait en 1706 ; c’est le moment de lui emprunter encore quelques traits : « L’on ne peut pas disconvenir, dit-il, qu’ilz n’ayment à tenir longtemps la table, s’y amusans à l’imitation de l’ancienne simplicité avec un grand gobelet de vin qu’ilz portent vingt fois à la bouche pour en avaler autant de gorgées sans dire mot, ou s’ilz parlent c’est pour faire beaucoup de bruit, mais il faut pour cela qu’ilz ayent

  1. Mémoire sur l’Alsace pour l’instruction du duc de Bourgogne. 1697, mss. In-4°, p. 209.
  2. Idem, p. 423.
  3. Idem, p. 422.