ces abominations. On plaçait dans la chapelle de sainte Catherine un grand tonneau, où l’on distribuait du vin à tous les étrangers ; on y forçait même à boire jusqu’à réveiller, par des instruments pointus, ceux que la lassitude ou l’ivresse avaient endormis[1]. » Geiler eut l’honneur de dompter ces désordres en 1482, mais ils ne furent entièrement abolis qu’en 1549 par le vertueux évêque Érasme de Limbourg.
Tout ce qui touchait à la régularité et à l’abondance de l’alimentation était considéré comme d’une importance si majeure que les chroniques monastiques ont grand soin de nous informer de toutes les altérations fâcheuses survenues dans le régime. J’en pourrais citer des preuves nombreuses ; je me borne à une seule. En 1275, les Dominicains de Bale furent réduits, par la pauvreté où leur maison était tombée, à se contenter de mi-portion, et ce coup fatal retentit douloureusement dans la chronique de leurs frères de Colmar[2].
Le respect humain, en ce temps-là, avait fait si peu de progrès qu’on ne pensait pas même à la nécessité de dissimuler l’importance des préoccupations de la bouche. On les montrait ouvertement et naïvement, comme une suite acceptée des mœurs. C’est pourquoi les chanoines et les religieux de Bâle croyaient pouvoir, pendant le service divin, sortir de leurs églises et se rendre, revêtus de leurs surplis blancs, sur le marché pour y faire des achats de comestibles. Nous savons cela par la fameuse ordonnance de réformation prise par l’évêque Christophe d’Uttenheim, en 1503, et par laquelle il défend expressément au clergé de pratiquer cette coutume ancienne, mais fort relâchée[3].
Parmi les ordres militaires, celui des Templiers avait eu un renom exceptionnel de débauche presque partout. Les chevaliers teutoniques, qui avaient plusieurs commanderies en Alsace et une