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sarcasme presque intraduisible : « Es waren vil Schauwesen, aber wenig Dauwesen, noch minder Frouwenessen (il y avait belles matières pour les yeux, mais peu de chose pour l’estomac). » Ce qui l’indigne encore, c’est que le dîner avait commencé trop tard, à midi, et qu’à deux heures déjà, Hans Nagel, un officier de la bouche de l’évêque, vint malencontreusement leur dire : « Mes chers maîtres, il se fait tard, la cloche appelle aux vêpres ; nous allons interrompre le repas pour le reprendre à cinq heures. » C’était une odieuse trahison. Nagel avait confisqué les plats les plus nobles du dîner. L’on ne servit, après une longue attente, que des viandes vulgaires, des sauces suspectes, une seule gelée, et à certaines tables, où siégeaient pourtant des XIII et des XV du Magistrat, on n’apporta que des restes honteux de gelée, une tarte aride et une omelette. L’honorable chancelier de la république de Strasbourg pense que l’évêque était innocent de ces méfaits et que la responsabilité doit en remonter à son grand-maître d’hôtel, Jacques de Landsperg. Pour satisfaire la légitime rancune de Brant, je devais mettre ce nom au pilori de la gastronomie.

Lorsque la ville de Mulhouse entra, en 1515, dans la confédération suisse, les XIII cantons envoyèrent dans cette ville des députés pour recevoir son serment. Ces députés furent reçus sur le territoire de Mulhouse par la milice bourgeoise, forte de 500 hommes à pied et à cheval, et au bruit du canon. La milice les escorta en grande pompe jusqu’à la place Saint-Étienne, devant l’hôtel de ville. Là, ils furent répartis, aux frais de la ville, dans quatre hôtelleries : la Lune, le Lion, le Soleil et l’Ange ; mais le rez-de-chaussée de la maison de ville fut mis à leur service pour prendre leurs repas. Le Magistrat emprunta l’argenterie nécessaire pour organiser une crédence élégante ; la salle était décorée de branchages, de tapis, de couronnes de fleurs et jonchée d’herbes fraîches. Afin que rien ne manquât à une hospitalité digne et correcte, le bourgmestre, assisté d’un membre du sénat et du greffier de la ville, vérifiait avant chaque repas si les mets étaient