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vins et viandes. Puis on apporte le fruit. Le dîner fini, on enlève nappes et reliefs, on abat les tables, puis on donne à laver. On rend grâce à Dieu et à M. l’abbé et chacun se retire. Au souper, grandes lumières, des viandes plus délicates et de facile digestion. Ce repas était le plus long, parce que, suivant l’abbé Baudouin, il y a péril à manger de nuit hâtivement, pour se coucher[1]. » L’on devine ce que pouvait être la cuisine de Senones sous la direction de cet habile homme ; néanmoins il est à regretter que l’on soit privé des détails sur le menu de quelques-uns de ces repas, où l’eau ne figurait que pour les ablutions.

Nous devons à un manuscrit de la Bibliothèque nationale la connaissance exacte du menu d’un souper donné, dans la ville de Thann, le 21 juin 1469, par l’archiduc Sigismond aux commissaires de Charles le Téméraire qui venaient recevoir le comté de Ferrette engagé au Bourguignon. Il y avait trois tables : à la première, l’archiduc, le margrave de Bade, le margrave de Rœttelin, M. de Wattwiller, M. le juge de Besançon, M. Jean Carondellet, le procureur d’Amont et M. Jean Poincenot ; à la seconde des chevaliers et gentilshommes ; à la troisième, « ceux de moindre estat ». Sur le banc où étaient assis les princes, « et au plus près du dit duc y fut mise une petite serviette et sur quelle deux grosses coupes d’argent doré, couvertes, pesant huit ou dix marcs, toutes pleines de vin ». Voici la carte plus que modeste de ce souper politique : 1° un plat plein d’œufs pouchiés (pochés) et coques (à la coque), mis au milieu de la table ; 2° un plat de vairons cuits en l’eau ; 3° des chaffots frits (chabots, meuniers) que mon dit seigneur a répandus sur la table ; 4° un grand plat de raves (navets) cuites en l’eau, découpées bien menu ; 5° un plat de petites troites coupées en deux et cuites en l’eau et deux écuelles pleines de vinaigre ; 6° un plat de soupe de cerises fortes ; 7° troites mises en sausse jaune ; 8° des pois en

  1. Gravier, Histoire de la ville épiscopale de Saint-Dié, p. 134.