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Demain j’espère enfin m’installer dans mon jardin ; notre petit malade est tout à fait rétabli, et la maladie, semble-t-il, n’a fait qu’affermir sa santé.

Humboldt est parti aujourd’hui ; je ne le verrai plus de bien des années et surtout je ne puis espérer que nous nous revoyions tels que nous nous sommes quittés. Voilà donc encore une relation qu’il faut regarder comme rompue et qui ne se renouera pas ; car deux années passées dans des occupations si différentes changeront bien des choses en nous et entre nous.

Schiller.

37.

Lettre de Schiller. De la nécessité de retarder la marche des événements dans le poëme épique[1].
Iéna, le 25 avril 1797.

Que la nécessité de retarder la marche des événements découle d’une loi suprême de l’épopée, à laquelle on pourrait satisfaire par une autre voie, c’est ce qui me semble hors de doute. Je crois aussi qu’il y a deux manières de retarder : l’une tient à la nature de la route, l’autre à la nature de la marche, et celle-ci peut très-bien, ce me semble, trouver sa place sur la route la plus directe, et par conséquent dans un plan tel que le vôtre.

Je ne voudrais pourtant pas formuler cette grande loi épique absolument comme vous l’avez fait. Si l’on dit qu’il faut considérer la manière d’être des choses plutôt que leur essence même, la formule me semble trop générale, et applicable sans distinction à tous les genres de poésie qui représentent une action. Voici là-dessus ma pensée en peu de mots : le poëte épique et le poëte dramatique nous représentent tous deux une action ; mais cette action est pour le dernier le but ; pour le premier elle n’est qu’un moyen propre à atteindre un but esthétique absolu. Ce principe posé, je m’explique très-bien pourquoi le poëte dramatique

  1. Ces deux lettres du 24 et 25 avril se suivent dans la correspondance, sans aucune réponse de Gœthe.