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façon dans le Royaume des ombres[1] et dans mes Lettres esthétiques, nous serions bientôt d’accord.

Ce que vous faites dire à Werner sur l’extérieur de Wilhelm est d’un excellent effet pour l’ensemble. Il m’est venu à l’esprit que vous pourriez vous servir du comte, qui parait à la fin du huitième livre, pour rendre à votre héros des honneurs plus éclatants. Le comte, le vrai maître des cérémonies du roman, ne pourrait-il par sa conduite pleine d’égards, et par une certaine manière de le traiter, que je n’ai pas besoin de préciser davantage, l’élever une bonne fois au-dessus de sa condition, le placer dans un rang plus haut, et lui communiquer ainsi la noblesse qui lui manque encore ? Assurément, si le comte lui-même le distinguait ainsi, l’œuvre de son anoblissement serait accomplie.

J’ai encore une observation à faire sur la conduite de Wilhelm dans la salle du passé, lorsqu’il y entre pour la première fois avec Nathalie. C’est encore trop l’ancien Wilhelm qui, dans la maison de son grand-père, passait de si longues heures devant le tableau du prince malade, et que l’étranger, au premier livre, a trouvé sur une si fausse voie. Maintenant encore, il ne s’occupe que du sujet des œuvres d’art, et poétise trop avec ces sujets. N’aurait-ce pas été le lieu de montrer en lui le commencement d’une crise plus heureuse, et de le représenter, non pas comme un connaisseur, ce qui est impossible, mais comme un amateur moins livré à sa fantaisie personnelle, pour qu’un ami, comme notre Meyer, pût fonder sur lui quelque espérance[2] ?

Schiller.
  1. Le Royaume des ombres, poésie de Schiller.
  2. Gœthe ne répond à cette question que par un billet sans importance.