Page:Gérard - Correspondance choisie de Gœthe et Schiller, 1877.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvoir faire sortir les dernières paroles importantes de ma poitrine, je vous prierais d’ajouter vous-même en quelques traits hardis ce qu’une étrange nécessité de nature ne m’aurait pas permis d’exprimer. Continuez cette semaine encore à m’adresser des observations et des encouragements ; je veux, pendant ce temps, m’occuper de Cellini, et, quand je le pourrai, de votre Almanach.

Weimar, le 9 juillet 1796.
Gœthe.

32.

Lettre de Schiller. Suite de son appréciation de Wilhelm Meister.

Je suis très-heureux d’apprendre que j’ai pu vous expliquer clairement mes idées sur ces deux points, et que vous voulez bien les prendre en considération. Il ne faut pas pour cela renoncer à ce que vous appelez votre tic réaliste. Il appartient lui aussi à votre personnalité poétique, et vous devez rester dans ses limites ; toute beauté dans votre œuvre doit être votre beauté. Il s’agit donc seulement de faire tourner une singularité subjective au profit objectif de votre œuvre, ce qui vous réussira certainement, dès que vous le voudrez. Un ouvrage doit, quant au fond, contenir tout ce qui est nécessaire à sa complète intelligence ; et il doit, quant à la forme, le contenir en vertu d’une sorte de nécessité qui fasse ressortir de l’enchaînement intérieur des faits les explications désirables ; mais cet enchaînement doit-il être lâche ou serré ? c’est à votre nature personnelle à en décider. Le lecteur trouverait sans doute plus commode que vous lui fissiez vous-même le dénombrement exact des passages décisifs, de sorte qu’il n’eût qu’à les prendre argent comptant ; mais certainement aussi, il s’attache plus au livre, et s’y trouve ramené bien plus souvent, quand il faut qu’il s’aide lui-même. Si donc vous avez pris soin qu’il puisse