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Lettre de Gœthe. Appréciation du traité de Schlégel sur le poëme épique.

Hier, comme je méditais le plan de mon nouveau poëme, pour le refaire à votre intention, je me suis senti saisi tout à nouveau d’un amour particulier pour cet ouvrage ; après toutes les observations échangées entre nous à ce sujet, cela m’a paru d’un bon augure. Mais je sais parfaitement que si je communique à n’importe qui, même confidentiellement, le plan d’un ouvrage projeté, je ne viendrai jamais à bout de le terminer ; il vaut donc mieux que je diffère encore cette communication ; nous traiterons la question en général, et les résultats de nos entretiens me serviront à juger à part moi mon sujet. Si je conserve après cela du courage et de l’ardeur, j’achèverai mon œuvre et, une fois achevée, elle fournira à nos réflexions une matière plus abondante, qu’à l’état de simple projet. Si je viens, au contraire, à en désespérer, il sera toujours temps de vous en faire connaître l’idée fondamentale.

Avez-vous vu le traité de Schlégel[1] sur le poëme épique, dans la 44e livraison de l’Allemagne[2] de l’année dernière ? Lisez-le, je vous prie. Il est curieux de voir comment, en bon esprit qu’il est, il suit souvent le bon chemin, et trouve cependant moyen de s’en écarter tout aussitôt. De ce que le poëme épique ne peut pas avoir l’unité dramatique, de ce qu’il est impossible de démêler une semblable unité dans l’Iliade et l’Odyssée, que, d’après les idées modernes, il donne d’ailleurs pour plus morcelées qu’elles ne le sont réellement, il conclut que le poëme épique ne

  1. Frédéric Schlégel, né en 1772 à Hanovre, mort à Dresde en 1829, a contribué, avec son frère Guillaume Schlégel, à fonder l’école romantique allemande. Il a composé de nombreux écrits sur des sujets d’esthétique et d’histoire littéraire, souvent gâtés par des déclamations maladroites contre notre théâtre.
  2. Il s’agit du journal l’Allemagne, publié par Reichardt.