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HISTOIRE.

formidable. Vainqueur sur mer à l’Écluse (1340), sur terre à Crécy (1346), il porta le théâtre de la guerre dans la province du Maine. Après la sanglante défaite du roi Jean à Poitiers (1356), les Anglais restèrent maîtres de toute cette partie de la France ; mais, battus par le connétable du Guesclin et le vaillant Olivier de Clisson à Pontvallain, à sept lieues du Mans, entre Mayet et la Flèche (1370), et défaits dans plusieurs autres rencontres, ils durent se retirer. Malheureusement le fruit de ces victoires fut rapidement perdu sous Charles VI. C’est en traversant la forêt du Mans, lorsqu’il marchait contre le duc de Bretagne, que le roi ressentit les premières atteintes de la folie.

« On était au commencement d’août 1392, dit M. de Barante (Histoire des ducs de Bourgogne), dans les jours les plus chauds de l’année. Le soleil était ardent, surtout dans ce pays sablonneux. Le roi était à cheval, vêtu de l’habillement court et étroit qu’on nommait une jacque ; le sien était en velours noir et l’échauffait beaucoup. Il avait sur la tête un chaperon de velours écarlate orné d’un chapelet de grosses perles que lui avait donné la reine à son départ. Derrière lui étaient deux pages à cheval. Pour ne pas incommoder le roi par la poussière, on le laissait marcher presque seul. Le duc de Bourgogne et le duc de Berry étaient à gauche, quelques pas en avant, conversant ensemble. Le duc d’Orléans, le duc de Bourbon, le sire de Coucy et quelques autres étaient aussi en avant, formant un autre groupe. Par derrière, les sires de Navarre, de Bar, d’Albret, d’Artois et beaucoup d’autres se trouvaient en assez grande troupe. On cheminait en cet équipage, et l’on venait d’entrer dans la grande forêt du Mans, lorsque tout à coup sortit de derrière un arbre, au bord de la route, un grand homme, la tête et les pieds nus, vêtu d’une méchante souquenille blanche ; il s’élança et saisit le cheval du roi par la bride : « Ne vas pas plus loin, cria-t-il, tu es trahi ! » Les hommes d’armes accoururent sur-le-champ, et frappant du bâton de leur lance sur les mains de cet homme, ils lui firent lâcher la bride. Comme il avait l’air d’un pauvre