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Le Terme gardait en effet la limite du champ et veillait sur elle. Le voisin n’osait pas en approcher de trop près ; « car alors, comme dit Ovide, le dieu qui se sentait heurté par le soc ou le hoyau, criait : Arrête, ceci est mon champ, voilà le tien[1]. » Pour empiéter sur le champ d’une famille, il fallait renverser ou déplacer une borne : or cette borne était un dieu. Le sacrilège était horrible et le châtiment sévère ; la vieille loi romaine disait : « Que l’homme et les bœufs qui auront touché le Terme, soient dévoués[2] » ; cela signifiait que l’homme et les bœufs seraient immolés en expiation. La loi étrusque, parlant au nom de la religion, s’exprimait ainsi : « Celui qui aura touché ou déplacé la borne, sera condamné par les dieux ; sa maison disparaîtra, sa race s’éteindra ; sa terre ne produira plus de fruits ; la grêle, la rouille, les feux de la canicule détruiront ses moissons ; les membres du coupable se couvriront d’ulcères et tomberont de consomption[3]. »

Nous ne possédons pas le texte de la loi athénienne sur le même sujet ; il ne nous en est resté que trois mots qui signifient : « ne dépasse pas la borne. » Mais Platon paraît compléter la pensée du législateur quand il dit : « Notre première loi doit être celle-ci : que personne ne touche à la borne qui sépare son champ de celui du voisin, car elle doit rester immobile… Que nul ne s’avise d’ébranler la petite pierre qui sépare l’amitié de l’inimitié et qu’on s’est engagé par serment à laisser à sa place[4]. »

De toutes ces croyances, de tous ces usages, de toutes ces lois, il résulte clairement que c’est la religion domestique qui a appris à l’homme à s’approprier la terre, et qui lui a assuré son droit sur elle.

On comprend sans peine que le droit de propriété,

  1. Ovide, Fast., II, 677.
  2. Festus, v. Terminus.
  3. Script. rei agrar., édit. Goez, p. 258.
  4. Platon, Lois, VIII, p. 842.