Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et qu’avant d’adopter il ait cherché à en avoir ? Adopter, c’est demander à la religion et à la loi ce qu’on n’a pas pu obtenir de la nature[1]. » Cicéron attaque l’adoption de Clodius en se fondant sur ce que l’homme qui l’a adopté a déjà un fils, et il s’écrie que cette adoption est contraire au droit religieux.

Quand on adoptait un fils, il fallait avant tout l’initier à son culte, « l’introduire dans sa religion domestique, l’approcher de ses pénates[2]. » Aussi l’adoption s’opérait-elle par une cérémonie sacrée qui paraît avoir été fort semblable à celle qui marquait la naissance du fils. Par là le nouveau venu était admis au foyer et associé à la religion. Dieux, objets sacrés, rites, prières, tout lui devenait commun avec son père adoptif. On disait de lui in sacra transiit, il est passé au culte de sa nouvelle famille[3].

Par cela même il renonçait au culte de l’ancienne[4]. Nous avons vu en effet que d’après ces vieilles croyances le même homme ne pouvait pas sacrifier à deux foyers ni honorer deux séries d’ancêtres. Admis dans une nouvelle maison, la maison paternelle lui devenait étrangère. Il n’avait plus rien de commun avec le foyer qui l’avait vu naître et ne pouvait plus offrir le repas funèbre à ses propres ancêtres. Le lien de la naissance était brisé ; le lien nouveau du culte l’emportait. L’homme devenait si complètement étranger à son ancienne famille que, s’il venait à mourir, son père naturel n’avait pas le droit de se charger de ses funérailles et de conduire son convoi. Le fil, adopté ne pouvait plus rentrer dans son ancienne famille ; tout au plus la loi le lui permettait-elle si, ayant un fils, il le laissait à sa place dans la famille adoptante. On considérait que,

  1. Cicéron, Pro domo, 13, 14. Aulu-Gelle, V, 19.
  2. Έπι τά ίερά άγειν, Isée, VII. Venire in sacra, Cicéron, Pro domo, 13 ; in penates adsciscere, Tacite, Hist. I, 15.
  3. Valère Maxime, VII, 7.
  4. Amissis sacris paternis, Cicéron, Ibid.