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de pratiquer un culte était un privilège. L’étranger était repoussé des temples ; le non Juif ne pouvait pas entrer dans le temple des Juifs ; le Lacédémonien n’avait pas le droit d’invoquer Pallas athénienne. Il est juste de dire que, dans les siècles qui précédèrent le christianisme, tout ce qui pensait s’insurgeait déjà contre ces règles étroites. Les Juifs commençaient à admettre l’étranger dans leur religion ; les Grecs et les Romains l’admettaient dans leurs cités. La philosophie avait enseigné maintes fois depuis Anaxagore que le Dieu de l’univers reçoit les hommages de toutes les nations ; mais la philosophie n’aboutissait pas à une foi bien vive. Il y avait bien aussi en Grèce une religion qui ne tenait presque aucun compte des distinctions de cités, celle d’Éleusis ; mais encore fallait-il obtenir d’y être initié. Il y avait aussi des cultes qui, depuis plusieurs siècles, se propageaient à travers les nations, comme celui de Sérapis et celui de Cybèle ; mais ces cultes ne s’emparaient pas de l’âme tout entière ; ils s’associaient et s’ajoutaient aux vieilles religions au lieu de les remplacer. Le christianisme pour la première fois en Occident, fit adorer à l’homme un Dieu unique, un Dieu universel, un Dieu qui était à tous, qui n’avait pas de peuple choisi, et qui ne distinguait ni les races, ni les familles, ni les États.

Pour ce Dieu il n’y avait plus d’étrangers. L’étranger ne profanait plus le temple, ne souillait plus le sacrifice par sa seule présence. Le temple fut ouvert à quiconque crut en Dieu. Le sacerdoce cessa d’être héréditaire, parce que la religion n’était plus un patrimoine. Le culte ne fut plus tenu secret ; les rites, les prières, les dogmes ne furent plus cachés ; au contraire, il y eut désormais un enseignement religieux, qui ne se donna pas seulement, mais qui s’offrit, qui se porta au-devant des plus éloignés, qui alla chercher les plus indifférents. L’esprit de propagande remplaça la loi d’exclusion.

Cela eut de grandes conséquences, tant pour les relations entre les peuples que pour le gouvernement des États.

Entre les peuples, la religion ne commanda plus la