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trouvait dans sa ville, étaient des lois variables et sans fondement, qui n’avaient qu’une valeur de tolérance ; le Romain les méprisait et le Grec lui-même les estimait peu. Pour avoir des lois fixes, reconnues de tous et vraiment saintes, il fallait avoir les lois romaines.

On ne voit pas que ni la Grèce entière ni même une ville grecque ait formellement demandé ce droit de cité si désiré : mais les hommes travaillèrent individuellement à l’acquérir, et Rome s’y prêta d’assez bonne grâce. Les uns l’obtinrent de la faveur de l’empereur ; d’autres l’achetèrent ; on l’accorda à ceux qui donnaient trois enfants à la société, ou qui servaient dans certains corps de l’armée ; quelquefois il suffit pour l’obtenir d’avoir construit un navire de commerce d’un tonnage déterminé, ou d’avoir porté du blé à Rome. Un moyen facile et prompt de l’acquérir était de se vendre comme esclave à un citoyen romain ; car l’affranchissement dans les formes légales conduisait au droit de cité.[1]

L’homme qui possédait le titre de citoyen romain ne faisait plus partie civilement ni politiquement de sa ville natale. Il pouvait continuer à l’habiter, mais il y était réputé étranger ; il n’était plus soumis aux lois de la ville, n’obéissait plus à ses magistrats, n’en supportait plus les charges pécuniaires.[2] C’était la conséquence du vieux principe qui ne permettait pas qu’un même homme appartint à deux cités à la fois.[3] Il arriva naturellement qu’après quelques générations il y eut dans chaque ville grecque un assez grand nombre d’hommes, et c’étaient ordinairement les plus riches, qui ne reconnaissaient ni le gouvernement

  1. Suétone, Néron, 24. Pétrone, 57. Ulpien, III. Gaius, I, 16, 17.
  2. Il devenait un étranger à l’égard de sa famille même, si elle n’avait pas comme lui le droit de cité. Il n’héritait pas d’elle. Pline, Panégyrique, 37.
  3. Cicéron, pro Balbo, 28 ; pro Archia, 5 ; pro Caecina, 36. Corn. Nepos, Atticus, 3. La Grèce avait depuis longtemps abandonné ce principe ; mais Rome s’y tenait fidèlement.