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clémence. Tite Live n’explique pas clairement ce qui fut fait ; s’il faut l’en croire, on donna aux Latins le droit de cité romaine, mais sans y comprendre, dans l’ordre politique le droit de suffrage, ni dans l’ordre civil le droit de mariage ; on peut noter en outre que ces nouveaux citoyens n’étaient pas comptés dans le cens. On voit bien que le Sénat trompait les Latins, en leur appliquant le nom de citoyens romains ; ce titre déguisait une véritable sujétion, puisque les hommes qui le portaient avaient les obligations du citoyen sans en avoir les droits. Cela est si vrai que plusieurs villes latines se révoltèrent pour qu’on leur retirât ce prétendu droit de cité.

Une centaine d’années se passent, et, sans que Tite Live nous en avertisse, on reconnaît bien que Rome a changé de politique. La condition de Latins ayant droit de cité sans suffrage et sans connubium, n’existe plus. Rome leur a repris ce titre de citoyen, ou plutôt elle a fait disparaître ce mensonge, et elle s’est décidée à rendre aux différentes villes leur gouvernement municipal, leurs lois, leurs magistratures.

Mais par un trait de grande habileté, Rome ouvrait une porte qui, si étroite qu’elle fût, permettait aux sujets d’entrer dans la cité romaine. Elle accordait que tout Latin qui aurait exercé une magistrature dans sa ville natale, fût citoyen romain à l’expiration de sa charge.[1] Cette fois, le don du droit de cité était complet et sans réserve : suffrages, magistratures, cens, mariage, droit privé, tout s’y trouvait. Rome se résignait à partager avec l’étranger sa religion, son gouvernement, ses lois ; seulement, ses faveurs étaient individuelles et s’adressaient, non à des villes entières, mais à quelques hommes dans chacune d’elles. Rome n’admettait dans son sein que ce

  1. Appien, Guerres civiles, II, 26.