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Zénon enseigne à l’homme qu’il a une dignité, non de citoyen, mais d’homme ; qu’outre ses devoirs envers la loi, il en a envers lui-même, et que le suprême mérite n’est pas de vivre au de mourir pour l’État, mais d’être vertueux et de plaire à la divinité. Vertus un peu égoïstes et qui laissèrent tomber l’indépendance nationale et la liberté, mais par lesquelles l’individu grandit. Les vertus publiques allèrent dépérissant, mais les vertus personnelles se dégagèrent et apparurent dans le monde. Elles eurent d’abord à lutter, soit contre la corruption générale, soit contre le despotisme. Mais elles s’enracinèrent peu à peu dans l’humanité ; à la longue elles devinrent une puissance avec laquelle tout gouvernement dut compter, et il fallut bien que les règles de la politique fussent modifiées pour qu’une place libre leur fût faite.

Ainsi se transformèrent peu à peu les croyances ; la religion municipale, fondement de la cité, s’éteignit ; le régime municipal, tel que les anciens l’avaient conçu, dut tomber avec elle. On se détachait insensiblement de ces règles rigoureuses et de ces formes étroites du gouvernement. Des idées plus hautes sollicitaient les hommes à former des sociétés plus grandes. On était entraîné vers l’unité ; ce fut l’aspiration générale des deux siècles qui précédèrent notre ère. Il est vrai que les fruits que portent ces révolutions de l’intelligence, sont très lents à mûrir. Mais nous allons voir, en étudiant la conquête romaine, que les événements marchaient dans le même sens que les idées, qu’ils tendaient comme elles à la ruine du vieux régime municipal, et qu’ils préparaient de nouveaux modes de gouvernement.