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de la loi. Il dégageait la morale de la religion ; avant lui, on ne concevait le devoir que comme un arrêt des anciens dieux ; il montra que le principe du devoir est dans l’âme de l’homme. En tout cela, qu’il le voulût ou non, il faisait la guerre aux cultes de la cité. En vain prenait-il soin d’assister à toutes les fêtes et de prendre part aux sacrifices ; ses croyances et ses paroles démentaient sa conduite. Il fondait une religion nouvelle, qui était le contraire de la religion de la cité. On l’accusa avec vérité de ne pas adorer les dieux que l’État adorait. On le fit périr pour avoir attaqué les coutumes et les croyances des ancêtres, ou, comme on disait, pour avoir corrompu la génération présente. L’impopularité de Socrate et les violentes colères de ses concitoyens s’expliquent, si l’on songe aux habitudes religieuses de cette société athénienne, où il y avait tant de prêtres, et où ils étaient si puissants. Mais la révolution que les Sophistes avaient commencée, et que Socrate avait reprise avec plus de mesure, ne fut pas arrêtée par la mort d’un vieillard. La société grecque s’affranchit de jour en jour davantage de l’empire des vieilles croyances et des vieilles institutions.

Après lui, les philosophes discutèrent en toute liberté les principes et les règles de l’association humaine. Platon, Criton, Antisthènes, Speusippe, Aristote, Théophraste et beaucoup d’autres, écrivirent des traités sur la politique. On chercha, on examina les grands problèmes de l’organisation de l’État, de l’autorité et de l’obéissance, des obligations et des droits, se posèrent à tous les esprits.

Sans doute la pensée ne peut pas se dégager aisément des liens que lui a faits l’habitude. Platon subit encore, en certains points, l’empire des vieilles idées. L’État qu’il imagine, c’est encore la cité antique ; il est étroit ; il ne doit contenir que 5.000 membres. Le gouvernement y est encore réglé par les anciens principes ; la liberté y est inconnue ; le but