sur le bonheur inaltérable dont on y jouissait, sur l’égalité, sur la vie en commun, ne doivent pas nous faire illusion. De toutes les villes qu’il y a eu sur la terre, Sparte est peut-être celle où l’aristocratie a régné le plus durement et où l’on a le moins connu légalité. Il ne faut pas parler du partage des terres ; si ce partage a jamais eu lieu, du moins il est bien sûr qu’il n’a pas été maintenu. Car au temps d’Aristote, « les uns possédaient des domaines immenses, les autres n’avaient rien ou presque rien ; on comptait à peine dans toute la Laconie un millier de propriétaires.[1]
Laissons de côté les Hilotes et les Laconiens, et n’examinons que la société spartiate : nous y trouvons une hiérarchie de classes superposées l’une à l’autre. Ce sont d’abord les Néodamodes, qui paraissent être d’anciens esclaves affranchis[2] ; puis les Épeunactes, qui avaient été admis à combler les vides faits par la guerre parmi les Spartiates[3] ; à un rang un peu supérieur figuraient les Mothaces, qui, assez semblables à des clients domestiques, vivaient avec le Maître, lui faisaient cortège, partageaient ses occupations, ses travaux, ses fêtes, et combattaient à côté de lui.[4] Venait ensuite la classe des bâtards, qui descendaient des vrais Spartiates, mais que la religion et la loi éloignaient d’eux[5] ; puis, encore une classe, qu’on appelait les inférieurs, ύπομείονες, et qui étaient probablement les cadets déshérités des fa milles. Enfin au-dessus de tout cela s’élevait la classe aristocratique, composée des hommes qu’on appelait les Égaux, όμοιοι. Ces hommes étaient en effet égaux entre eux, mais fort supérieurs à tout le reste.