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Telles étaient les règles auxquelles la démocratie obéissait. Il ne faudrait pas conclure de là qu’elle ne commît jamais de fautes. Quelle que soit la forme de gouvernement, monarchie, aristocratie, démocratie, il y a des jours où c’est la raison qui gouverne, et d’autres où c’est la passion. Aucune constitution ne supprima jamais les faiblesses et les vices de la nature humaine. Plus les règles sont minutieuses, plus elles accusent que la direction de la société est difficile et pleine de périls. La démocratie ne pouvait durer qu’à force de prudence.

On est étonné aussi de tout le travail que cette démocratie exigeait des hommes. C’était un gouvernement fort laborieux. Voyez à quoi se passe la vie d’un Athénien. Un jour il est appelé à l’assemblée de son dème et il a à délibérer sur les intérêts religieux ou politiques de cette petite association. Un autre jour il est convoqué à l’assemblée de sa tribu ; il s’agit de régler une fête religieuse, ou d’examiner des dépenses, ou de faire des décrets, ou de nommer des chefs et des juges. Trois fois par mois régulièrement il faut qu’il assiste à l’assemblée générale du peuple ; il n’a pas le droit d’y manquer. Or la séance est longue ; il n’y va pas seulement pour voter ; venu dès le matin, il faut qu’il reste jusqu’à une heure avancée du jour à écouter des orateurs. Il ne peut voter qu’autant qu’il a été présent dès l’ouverture de la séance et qu’il a entendu tous les discours. Ce vote est pour lui une affaire des plus sérieuses ; tantôt il s’agit de nommer ses chefs politiques et militaires, c’est-à-dire ceux à qui son intérêt et sa vie vont être confiés pour un an ; tantôt c’est un impôt à établir ou une loi à changer ; tantôt c’est sur la guerre qu’il a à voter, sachant bien qu’il aura à donner son sang ou celui d’un fils. Les intérêts individuels sont unis inséparablement à l’intérêt de l’État. L’homme ne peut être ni indifférent ni léger. S’il se trompe, il sait qu’il en portera bientôt la peine, et que dans chaque