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mais à la condition qu’il eût prouvé qu’il jouissait des droits politiques, qu’il n’était pas débiteur de l’État, que ses mœurs étaient pures, qu’il était marié en légitime mariage, qu’il possédait un fonds de terre dans l’Attique, qu’il avait rempli tous ses devoirs envers ses parents, qu’il avait fait toutes les expéditions militaires pour lesquelles il avait été commandé, et qu’il n’avait jeté son bouclier dans aucun combat.[1] Ces précautions une fois prises contre l’éloquence, le peuple s’abandonnait ensuite à elle tout entier. Les Athéniens, comme dit Thucydide, ne croyaient pas que la parole nuisît à l’action. Ils sentaient au contraire le besoin d’être éclairés. La politique n’était plus, comme dans le régime précédent, une affaire de tradition et de foi. Il fallait réfléchir et peser les raisons. La discussion était nécessaire ; car toute question était plus ou moins obscure, et la parole seule pouvait mettre la vérité en lumière. Le peuple athénien voulait que chaque affaire lui fût présentée sous toutes ses faces différences et qu’on lui montrât clairement le pour et le contre. Il tenait fort à ses orateurs ; on dit qu’il les rétribuait en argent pour chaque discours prononcé à la tribune.[2] Il faisait mieux encore : il les écoutait. Car il ne faut pas se figurer une foule turbulente et tapageuse. L’attitude du peuple était plutôt le contraire ; le poète comique le représente écoutant bouche béante, immobile sur ses bancs de pierre.[3] Les historiens et les orateurs nous décrivent fréquemment ces réunions populaires ; nous ne voyons presque jamais qu’un orateur soit interrompu ; que ce soit Périclès ou Cléon, Eschine ou Démosthène, le peuple est attentif ; qu’on le flatte ou qu’on le gourmande, il écoute. Il laisse exprimer les opinions

  1. Eschine, I, 27-33. Dinarque, I, 71.
  2. C’est du moins ce que fait entendre Aristophane, Guêpes, 711 ; 689 : voyez le Scholiaste.
  3. Aristophane, Chevaliers, 1119.