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Thucydide sa lenteur et sa répugnance à entrer en campagne. Elle s’est laissée entraîner malgré elle dans la guerre du Péloponnèse ; mais combien elle a fait d’efforts pour s’en retirer ! C’est que Sparte était forcée d’armer ses ύπομείονες, ses néodamodes, ses mothaces, ses laconiens et même ses pilotes ; elle savait bien que toute guerre, en donnant des armes à ces classes qu’elle opprimait, la mettait en danger de révolution et qu’il lui faudrait, au retour de l’armée, ou subir la loi de ses pilotes, ou trouver moyen de les faire massacrer sans bruit. Les plébéiens calomniaient le Sénat de Rome, quand ils lui reprochaient de chercher toujours de nouvelles guerres. Le Sénat était bien trop habile. Il savait ce que ces guerres lui coûtaient de concessions et d’échecs au forum. Mais il ne pouvait pas les éviter.

Il est donc hors de doute que la guerre a peu à peu comblé la distance que l’aristocratie de richesse avait mise entre elle et les classes inférieures. Par là il est arrivé bientôt que les constitutions se sont trouvées en désaccord avec l’état social et qu’il a fallu les modifier. D’ailleurs on doit reconnaître que tout privilège était nécessairement en contradiction avec le principe qui gouvernait alors les hommes. L’intérêt public n’était pas un principe qui fût de nature à autoriser et à maintenir longtemps l’inégalité. Il conduisait inévitablement les sociétés à la démocratie.

Cela est si vrai qu’il fallut partout, un peu plus tôt ou un peu plus tard, donner à tous les hommes libres des droits politiques. Dès que la plèbe romaine voulut avoir des comices qui lui fussent propres, elle dut y admettre les prolétaires, et ne put pas y faire passer la division en classes. La plupart des cités virent ainsi se former des assemblées vraiment populaires, et le suffrage universel fut établi.

Or le droit de suffrage avait alors une valeur incomparablement plus grande que celle qu’il peut avoir dans les États modernes. Par lui le dernier des