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presque perpétuel. C’était sur la classe riche que le service militaire pesait le plus lourdement puisque c’était elle qui occupait le premier rang dans les batailles. Souvent, au retour d’une campagne, elle rentrait dans la ville, décimée et affaiblie, hors d’état par conséquent de tenir tête au parti populaire. A Tarente, par exemple, la haute classe ayant perdu la plus grande partie de ses membres dans une guerre contre les Japyges, la démocratie s’établit aussitôt dans la cité. Le même fait s’était produit à Argos, une trentaine d’années auparavant : à la suite d’une guerre malheureuse contre les Spartiates, le nombre des vrais citoyens était devenu si faible, qu’il avait fallu donner le droit de cité à une foule de pèrièques.[1] C’est pour n’avoir pas à tomber dans cette extrémité que Sparte était si ménagère du sang des vrais Spartiates. Quant à Rome, ses guerres continuelles expliquent en grande partie ses révolutions. La guerre a détruit d’abord son patriciat ; des trois cents familles que cette caste comptait sous les rois, il en restait à peine un tiers après la conquête du Samnium. La guerre a moissonné ensuite la plèbe primitive, cette plèbe riche et courageuse qui remplissait les cinq classes et qui formait les légions.

Un des effets de la guerre était que les cités étaient presque toujours réduites à donner des armes aux classes inférieures. C’est pour cela qu’à Athènes et dans toutes les villes maritimes, le besoin d’une marine et les combats sur mer ont donné à la classe pauvre l’importance que les constitutions lui refusaient. Les thètes élevés au rang de rameurs, de matelots, et même de soldats, et ayant en mains le salut de la patrie, se sont sentis nécessaires et sont devenus hardis. Telle fut l’origine de la démocratie athénienne. Sparte avait peur de la guerre. On peut voir dans

  1. Aristote, Politique, VIII, 2, 8 (V, 2).