Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/403

Cette page n’a pas encore été corrigée

Dans toutes les cités les plus riches formèrent la cavalerie, la classe aisée composa le corps des hoplites ou des légionnaires. Les pauvres furent exclus de l’armée ; tout au plus les employa-t-on comme vélites et comme peltastes, ou parmi les rameurs de la flotte.[1] L’organisation de l’armée répondait ainsi avec une exactitude parfaite à l’organisation politique de la cité. Les dangers étaient proportionnés aux privilèges, et la force matérielle se trouvait dans les mêmes mains que la richesse.[2] Il y eut ainsi dans presque toutes les cités dont l’histoire nous est connue, une période pendant laquelle la classe riche ou tout au moins la classe aisée fut en possession du gouvernement. Ce régime politique eut ses mérites, comme tout régime peut avoir les siens, quand il est conforme aux mœurs de l’époque et que les croyances ne lui sont pas contraires. La noblesse sacerdotale de l’époque précédente avait assurément rendu de grands services ; car c’était elle qui pour la première fois avait établi des lois et fondé des gouvernements réguliers. Elle avait fait vivre avec calme et dignité, pendant plusieurs siècles, les sociétés humaines. L’aristocratie de richesse eut un autre mérite : elle imprima à la société et à l’intelligence une impulsion nouvelle.

  1. Lysias, in Alcib., 1, 8 ; II, 7. Isée, VII. 39. Xénophon, Helléniques, VII, 4. Harpocration, Θῆτες.
  2. La relation entre le service militaire et les droits politiques est manifeste : à Rome, l’assemblée centuriate n’était pas autre chose que l’armée ; cela est si vrai que les hommes qui avaient dépassé l’âge du service militaire n’avaient plus droit de suffrage dans ces comices. Les historiens ne nous disent pas qu’il y eût une loi semblable à Athènes ; mais il y a des chiffres qui sont significatifs ; Thucydide nous apprend (II, 31 ; II, 13) qu’au début de la guerre. Athènes avait 13.000 hoplites ; si l’on y ajoute les chevaliers, qu’Aristophane (dans les Guêpes) porte à un millier environ, on arrive au chiffre de 14.000 soldats. Or Plutarque nous dit qu’à la même époque le nombre des citoyens était de 14000. C’est donc que les prolétaires, qui n’avaient pas le droit de servir parmi les hoplites, n’étaient pas non plus comptés parmi les citoyens. La constitution d’Athènes, en 430, n’était donc pas encore tout à fait démocratique.