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du moins qu’ils n’y votaient pas.[1] La constitution républicaine conserva ces distinctions établies par un roi, et la plèbe ne se montra pas d’abord très désireuse de mettre l’égalité entre ses membres.

Ce qui se voit si clairement à Athènes et à Rome, se retrouve dans presque toutes les autres cités. A Cumes, par exemple, les droits politiques ne furent donnés d’abord qu’à ceux qui, possédant des chevaux, formaient une sorte d’ordre équestre ; plus tard, ceux qui venaient après eux pour le chiffre de la fortune, obtinrent les mêmes droits, et cette dernière mesure n’éleva qu’à mille le nombre des citoyens. A Rhégium, le gouvernement fut longtemps aux mains des mille plus riches de la cité. A Thurii, il fallait un cens très élevé pour faire partie du corps politique. Nous voyons clairement dans les poésies de Théognis qu’à Mégare, après la chute des nobles, ce fut la richesse qui régna. A Thèbes, pour jouir des droits de citoyen, il ne fallait être ni artisan ni marchand.[2]

Ainsi les droits politiques qui, dans l’époque précédente, étaient inhérents à la naissance, furent, pendant quelque temps, inhérents à la fortune. Cette aristocratie de richesse se forma dans toutes les cités, non pas par l’effet d’un calcul, mais par la nature même de l’esprit humain, qui, en sortant d’un régime de profonde inégalité, n’arrivait pas tout de suite à l’égalité complète.

Il est à remarquer que cette aristocratie ne fondait pas sa supériorité uniquement sur sa richesse. Partout elle eut à cœur d’être la classe militaire. Elle se chargea de défendre les cités en même temps que de les gouverner. Elle se réserva les meilleures armes et la plus forte part de périls dans les combats, voulant imiter en cela la classe noble qu’elle remplaçait.

  1. Tite-Live, I, 43.
  2. Aristote, Politique, III, 3, 4 ; VI, 4, 5 (édit. Didot).