Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/401

Cette page n’a pas encore été corrigée

avait pas été l’œuvre des plus basses classes. Il y eut à la vérité quelques villes où ces classes s’insurgèrent d’abord ; mais elles ne purent fonder rien de durable ; les longs désordres où tombèrent Syracuse, Milet, Samos, en sont la preuve. Le régime nouveau ne s’établit avec quelque solidité que là où il se trouva tout de suite une classe supérieure pour prendre en mains, pour quelque temps, le pouvoir et l’autorité morale qui échappaient aux eupatrides ou aux patriciens.

Quelle pouvait être cette aristocratie nouvelle ? La religion héréditaire étant écartée, il n’y avait plus d’autre élément de distinction sociale que la richesse. On demanda donc à la richesse de fixer des rangs, les esprits n’admettant pas tout de suite que l’égalité dût être absolue.

Ainsi Solon ne crut pouvoir faire oublier l’ancienne distinction fondée sur la religion héréditaire, qu’en établissant une division nouvelle qui fut fondée sur la richesse. Il partagea les hommes en quatre classes, et leur donna des droits inégaux ; il fallut être riche pour parvenir aux hautes magistratures ; il fallut être au moins d’une des deux classes moyennes pour avoir accès au Sénat et aux tribunaux.[1]

Il en fut de même à Rome. Nous avons déjà vu que Servius ne détruisit la puissance du patriciat qu’en fondant une aristocratie rivale. Il créa douze centuries de chevaliers choisis parmi les plus riches plébéiens ; ce fut l’origine de l’ordre équestre, qui fut dorénavant l’ordre riche de Rome. Les plébéiens qui n’avaient pas le cens fixé pour être chevalier, furent répartis en cinq classes suivant le chiffre de leur fortune. Les prolétaires furent en dehors de toute classe. Ils n’avaient pas de droits politiques ; s’ils figuraient dans les comices par centuries, il est sûr

  1. Plutarque, Solon, 18 ; Aristide, 13. Aristote cité par Harpocration, aux mots Ἵππεις, Θῆτες. Pollux, VIII, 129.