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elle pendant quatre siècles, sous la république et sous les rois, et il l’avait vaincue.


Chapitre VIII — Changements dans le droit privé ; le code des douze tables ; le code de Solon

Il n’est pas dans la nature du droit d’être absolu et immuable ; il se modifie et se transforme, comme toute œuvre humaine. Chaque société a son droit, qui se forme et se développe avec elle, qui change comme elle, et qui enfin suit toujours le mouvement de ses institutions, de ses mœurs et de ses croyances.

Les hommes des anciens âges avaient été assujettis à une religion d’autant plus puissante sur leur âme qu’elle était plus grossière ; cette religion leur avait fait leur droit, comme elle leur avait donné leurs institutions politiques. Mais voici que la société s’est transformée. Le régime patriarcal que cette religion héréditaire avait engendré, s’est dissous à la longue dans le régime de la cité. Insensiblement la gens s’est démembrée, le cadet s’est détaché de l’aîné, le serviteur du chef ; la classe inférieure a grandi ; elle s’est armée ; elle a fini par vaincre l’aristocratie et conquérir l’égalité. Ce changement dans l’état social devait en amener un autre dans le droit. Car autant les eupatrides et les patriciens étaient attachés à la vieille religion des familles et par conséquent au vieux droit, autant la classe inférieure avait de haine pour cette religion héréditaire qui avait fait longtemps son infériorité, et pour ce droit antique qui l’avait opprimée. Non seulement elle le détestait, elle ne le comprenait même pas. Comme elle n’avait pas les croyances sur lesquelles il était fondé, ce droit lui paraissait n’avoir pas de fondement. Elle le