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sacerdoces elle n’avait réellement ni l’égalité civile ni l’égalité politique. Elle réclama donc le partage du pontificat entre les deux ordres, comme elle avait réclamé le partage du consulat.

Il devenait difficile de lui objecter son incapacité religieuse ; car depuis soixante ans on voyait le plébéien, comme consul, accomplir les sacrifices ; comme censeur, il faisait la lustration ; vainqueur de l’ennemi, il remplissait les saintes formalités du triomphe. Par les magistratures, la plèbe s’était déjà emparée d’une partie des sacerdoces ; il n’était pas facile de sauver le reste. La foi au principe de l’hérédité religieuse était ébranlée chez les patriciens eux-mêmes. Quelques-uns d’entre eux invoquèrent en vain les vieilles règles, et dirent : Le culte va être altéré, souillé par des mains indignes ; vous vous attaquez aux dieux mêmes ; prenez garde que leur colère ne se fasse sentir à notre ville. Il ne semble pas que ces arguments aient eu beaucoup de force sur la plèbe, ni même que la majorité du patriciat s’en soit émue. Les mœurs nouvelles donnaient gain de cause au principe plébéien. Il fut donc décidé que la moitié des pontifes et des augures seraient désormais choisis parmi la plèbe.

Ce fut là la dernière conquête de l’ordre inférieur ; il n’avait plus rien à désirer. Le patriciat perdait jusqu’à sa supériorité religieuse. Rien ne le distinguait plus de la plèbe ; le patriciat n’était plus qu’un nom ou un souvenir. Les vieux principes sur lesquels la cité romaine, comme toutes les cités anciennes, était fondée, avaient disparu. De cette antique religion héréditaire, qui avait longtemps gouverné les hommes et établi des rangs entre eux, il ne restait plus que les formes extérieures. Le plébéien avait lutté contre