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à la rédaction d’un code, mais que ce code ne pouvait être rédigé que par des patriciens. On finit par trouver un moyen de concilier les intérêts de la plèbe avec la nécessité religieuse que le patriciat invoquait : on décida que les législateurs seraient tous patriciens, mais que leur code, avant d’être promulgué et mis en vigueur, serait exposé aux yeux du public et soumis à l’approbation préalable de toutes les classes.

Ce n’est pas ici le moment d’analyser le code des Décemvirs. Il importe seulement de remarquer dès à présent que l’œuvre des législateurs, préalablement exposée au forum, discutée librement par tous les citoyens, fut ensuite acceptée par les comices centuriates, c’est-à-dire par l’assemblée où les deux ordres étaient confondus. Il y avait en cela une innovation grave. Adoptée par toutes les classes, la même loi s’appliqua désormais à toutes. On ne trouve pas dans ce qui nous reste de ce code, un seul mot qui implique une inégalité entre le plébéien et le patricien, soit pour le droit de propriété, soit pour les contrats et les obligations, soit pour la procédure. A partir de ce moment, le plébéien comparut devant le même tribunal que le patricien, agit comme lui, fût jugé d’après la même loi que lui. Or il ne pouvait pas se faire de révolution plus radicale ; les habitudes de chaque jour, les mœurs, les sentiments de l’homme envers l’homme, l’idée de la dignité personnelle, le principe du droit, tout fut changé dans Rome.

Comme il restait quelques lois à faire, on nomma de nouveaux décemvirs, et parmi eux il y eut trois plébéiens. Ainsi après qu’on eut proclamé avec tant d’énergie que le droit d’écrire les lois n’appartenait qu’à la classé patricienne, le progrès des idées était si rapide qu’au bout d’une année on admettait des plébéiens parmi les législateurs.

Les mœurs tendaient à l’égalité. On était sur une pente