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appelée Agni. Le Rig-Véda contient un grand nombre d’hymnes qui lui sont adressées. Il est dit dans l’un d’eux : « Ô Agni, tu es la vie, tu es le protecteur de l’homme… Pour prix de nos louanges, donne au père de famille qui t’implore, la gloire et la richesse… Agni, tu es un défenseur prudent et un père ; à toi nous devons la vie, nous sommes ta famille. » Ainsi le feu du foyer est, comme en Grèce, une puissance tutélaire. L’homme lui demande l’abondance : « Fais que la terre soit toujours libérale pour nous. » Il lui demande la santé : « Que je jouisse longtemps de la lumière, et que j’arrive à la vieillesse comme le soleil à son couchant. » Il lui demande même la sagesse : « Ô Agni, tu places dans la bonne voie l’homme qui s’égarait dans la mauvaise… Si nous avons commis une faute, si nous avons marché loin de toi, pardonne-nous. » Ce feu du foyer était, comme en Grèce, essentiellement pur ; il était sévèrement interdit au brahmane d’y rien jeter de sale, et même de s’y chauffer les pieds. Comme en Grèce, l’homme coupable ne pouvait plus approcher de son foyer, avant de s’être purifié de sa souillure.

C’est une grande preuve de l’antiquité de ces croyances et de ces pratiques que de les trouver à la fois chez les hommes des bords de la Méditerranée et chez ceux de la presqu’île indienne. Assurément les Grecs n’ont pas emprunté cette religion aux Hindous, ni les Hindous aux Grecs, Mais les Grecs, les Italiens, les Hindous appartenaient à une même race ; leurs ancêtres, à une époque fort reculée, avaient vécu ensemble dans l’Asie centrale. C’est là qu’ils avaient conçu d’abord ces croyances et établi ces rites. La religion du feu sacré date donc de l’époque lointaine et mystérieuse où il n’y avait encore ni Grecs, ni Italiens, ni Hindous, et où il n’y avait que des Aryas. Quand les tribus s’étaient séparées les unes des autres, elles avaient transporté ce culte avec elles, les unes sur les rives du Gange, les autres