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avaient pas fait partie des anciennes tribus et des γένη, furent répartis dans les cadres formés par Clisthènes[1] : grande réforme qui donnait un culte à ceux qui en manquaient encore, et qui faisait entrer dans une association religieuse ceux qui auparavant étaient exclus de toute association. En second lieu, les hommes furent distribués dans les tribus et dans les dèmes, non plus d’après leur naissance, comme autrefois, mais d’après leur domicile. La naissance n’y compta pour rien ; les hommes y furent égaux et l’on n’y connut plus de privilèges. Le culte, pour la célébration duquel la nouvelle tribu ou le dème se réunissait, n’était plus le culte héréditaire d’une ancienne famille ; on ne s’assemblait plus autour du foyer d’un eupatride. Ce n’était plus un ancien eupatride que la tribu ou le dème vénérait comme ancêtre divin ; les tribus eurent de nouveaux héros éponymes choisis parmi les personnages antiques dont le peuple avait conservé bon souvenir, et quant aux dèmes, ils adoptèrent uniformément pour dieux protecteurs Zeus gardien de l’enceinte et Apollon paternel. Dès lors il n’y avait plus de raison pour que le sacerdoce fût héréditaire dans le dème comme il l’avait été dans le γένος ; il n’y en avait non plus aucune pour que le prêtre fût toujours un eupatride. Dans les nouveaux groupes, la dignité de prêtre et de chef fut annuelle, et chaque membre put l’exercer à son tour.

Cette réforme fut ce qui acheva de renverser l’aristocratie des eupatrides. A dater de ce moment, il n’y eut plus de caste religieuse ; plus de privilèges de naissance, ni en religion ni en politique. La société athénienne était entièrement transformée.[2]

  1. Aristote, Politique, III, I, 10 ; VII, 2. Schol. ad Esch., éd. Didot, p. 511.
  2. Les phratries anciennes et les γένη ne furent pas supprimés ; ils subsistèrent au contraire jusqu’à la fin de l’histoire grecque ; mais ils ne furent plus que des cadres religieux sans aucune valeur en politique.