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effet d’assurer et de garantir contre une réaction la grande réforme sociale et politique qui venait de s’opérer. Les eupatrides ne s’en relevèrent jamais.

Le peuple ne se montra guère désireux de reprendre sa liberté ; deux fois la coalition des grands et des riches renversa Pisistrate, deux fois il reprit le pouvoir, et ses fils gouvernèrent Athènes après lui. Il fallut l’intervention d’une armée spartiate dans l’Attique pour faire cesser la domination de cette famille.

L’ancienne aristocratie eut un moment l’espoir de profiter de la chute des Pisistratides pour ressaisir ses privilèges. Non seulement elle n’y réussit pas, mais elle reçut même le plus rude coup qui lui eût encore été porté. Clisthènes, qui était issu de cette classe, mais d’une famille que cette classe couvrait d’opprobre et semblait renier depuis trois générations, trouva le plus sûr moyen de lui ôter à jamais ce qu’il lui restait encore de force. Solon, en changeant la constitution politique, avait laissé subsister toute la vieille organisation religieuse de la société athénienne. La population restait partagée en deux ou trois cents γένη, en douze phratries, en quatre tribus. Dans chacun de ces groupes il y avait encore, comme dans l’époque précédente, un culte héréditaire, un prêtre qui était un eupatride, un chef qui était le même que le prêtre. Tout cela était le reste d’un passé qui avait peine à disparaître ; par là, les traditions, les usages, les règles, les distinctions qu’il y avait eu dans l’ancien état social, se perpétuaient. Ces cadres avaient été établis par la religion, et ils maintenaient à leur tour la religion, c’est-à-dire la puissance des grandes familles. Il y avait dans chacun de ces cadres deux classes d’hommes, d’une part les eupatrides qui possédaient héréditairement le sacerdoce et l’autorité, de l’autre les hommes d’une condition inférieure, qui n’étaient plus serviteurs ni clients, mais qui étaient encore retenus sous l’autorité de l’eupatride par la religion. En vain la loi de Solon