Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/349

Cette page n’a pas encore été corrigée

put dire : dans la pauvreté l’homme noble n’est plus rien ; et le peuple applaudit au théâtre cette boutade du comique : De quelle naissance est cet homme ? — Riche, ce sont là aujourd’hui les nobles.[1] Le régime qui s’était ainsi fondé, avait deux sortes d’ennemis, les eupatrides qui regrettaient leurs privilèges perdus, et les pauvres qui souffraient encore de l’inégalité.

A peine Solon avait-il achevé son œuvre que l’agitation recommença. Les pauvres se montrèrent, dit Plutarque, les âpres ennemis des riches. Le gouvernement nouveau leur déplaisait peut-être autant que celui des eupatrides. D’ailleurs en voyant que les eupatrides pouvaient encore être archontes et sénateurs, beaucoup s’imaginaient que la révolution n’avait pas été complète. Solon avait maintenu les formes républicaines ; or le peuple avait encore une haine irréfléchie contre ces formes de gouvernement sous lesquelles il n’avait vu pendant quatre siècles que le règne de l’aristocratie. Suivant l’exemple de beaucoup de cités grecques, il voulut un tyran.

Pisistrate, issu des eupatrides, mais poursuivant un but d’ambition personnelle, promit aux pauvres un partage des terres et se les attacha. Un jour il parut dans l’assemblée et prétendant qu’on l’avait blessé, il demanda qu’on lui donnât une garde. Les hommes des premières classes allaient lui répondre et dévoiler le mensonge, mais la populace était prête à en venir aux mains pour soutenir Pisistrate ; ce que voyant, les riches s’enfuirent en désordre. Ainsi l’un des premiers actes de l’assemblée populaire récemment instituée fut d’aider un homme à se rendre maître de la patrie.

Il ne paraît pas d’ailleurs que le règne de Pisistrate ait apporté aucune entrave au développement des destinées d’Athènes. Il eut au contraire pour principal

  1. Euripide, Phéniciennes. Alexis, dans Athénée. IV. 49.