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A la fin, tout ce qu’il y avait de sage dans les trois partis s’entendit pour confier à Solon le soin de terminer ces querelles et de prévenir des malheurs plus grands. Solon avait la rare fortune d’appartenir à la fois aux eupatrides par sa naissance et aux commerçants par les occupations de sa jeunesse. Ses poésies nous le montrent comme un homme tout à fait dégagé des préjugés de sa caste ; par son esprit conciliant, par son goût pour la richesse et pour le luxe, par son amour du plaisir, il est fort éloigné des anciens eupatrides et il appartient à la nouvelle Athènes.

Nous avons dit plus haut que Solon commença par affranchir la terre de la vieille domination que la religion des familles eupatrides avait exercée sur elle. Il brisa les chaînes de la clientèle. Un tel changement dans l’état social en entraînait un autre dans l’ordre politique. Il fallait que les classes inférieures eussent désormais, suivant l’expression de Solon lui-même, un bouclier pour défendre leur liberté récente. Ce bouclier, c’étaient des droits politiques.

Il s’en faut beaucoup que la constitution de Solon nous soit clairement connue ; il paraît du moins que tous les Athéniens firent désormais partie de l’assemblée du peuple et que le Sénat ne fut plus composé des seuls eupatrides ; il paraît même que les archontes purent être élus en dehors de l’ancienne caste sacerdotale. Ces graves innovations renversaient toutes les anciennes règles de la cité. Suffrages, magistratures, sacerdoces, direction de la société, il fallait que l’eupatride partageât tout cela avec l’homme de la caste inférieure. Dans la constitution nouvelle il n’était tenu aucun compte des droits de la naissance ; il y avait encore des classes, mais elles n’étaient plus distinguées que par la richesse. Dès lors la domination des eupatrides disparut. L’eupatride ne fut plus rien, à moins qu’il ne fût riche ; il valut par sa richesse et non pas par sa naissance. Désormais le poète