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rempli l’histoire de la Grèce et de l’Italie. Les efforts du peuple ont eu partout la victoire, mais non pas partout de la même manière ni par les mêmes moyens. Ici, le peuple, dès qu’il s’est senti fort, s’est insurgé ; les armes à la main, il a forcé les portes de la ville où il lui était interdit d’habiter. Une fois devenu le maître, ou il a chassé les grands et a occupé leurs maisons, ou il s’est contenté de décréter l’égalité des droits. C’est ce qu’on vit à Syracuse, à Érythrées, à Milet. Là, au contraire, le peuple a usé de moyens moins violents. Sans luttes à main armée, par la seule force morale que lui avaient donnée ses derniers progrès, il a contraint les grands à faire des concessions. On a nommé alors un législateur et la constitution a été changée. C’est ce qu’on vit à Athènes. Ailleurs, la classe inférieure, sans secousses et sans bouleversement, arriva par degrés à son but. Ainsi à Cumes le nombre des membres de la cité, d’abord très restreint, s’accrut une première fois par l’admission de ceux du peuple qui étaient assez riches pour nourrir un cheval. Plus tard on éleva jusqu’à mille le nombre des citoyens, et l’on arriva enfin peu à peu à la démocratie.[1] Dans quelques villes, l’admission de la plèbe parmi les citoyens fut l’œuvre des rois ; il en fut ainsi à Rome. Dans d’autres, elle fut l’œuvre des tyrans populaires ; c’est ce qui eut lieu à Corinthe, à Sicyone, à Argos. Quand l’aristocratie reprit le dessus, elle eut ordinairement la sagesse de laisser à la classe inférieure ce titre de citoyen que les rois ou les tyrans lui avaient donné. A Samos, l’aristocratie ne vint à bout de sa lutte contre les tyrans qu’en affranchissant les plus basses classes. Il serait trop long d’

  1. Héraclide de Pont, dans les Fragm. des hist. grecs, t. II, p. 217