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à Mégare au sixième siècle ; Cicyone en a eu durant cent trente ans sans interruption. Parmi les Grecs d’Italie, on voit des tyrans à Cumes, à Crotone, à Sybaris, partout. A Syracuse, en 485, la classe inférieure se rendit maîtresse de la ville et chassa la classe aristocratique ; mais elle ne put ni se maintenir ni se gouverner, et au but d’une année elle dut se donner un tyran.[1] Partout ces tyrans, avec plus ou moins de violence, avaient la même politique. Un tyran de Corinthe demandait un jour à un tyran de Milet des conseils sur le gouvernement. Celui-ci pour toute réponse coupa les épis de blé qui dépassaient les autres. Ainsi leur règle de conduite était d’abattre les hautes têtes et de frapper l’aristocratie en s’appuyant sur le peuple. La plèbe romaine forma d’abord des complots pour rétablir Tarquin. Elle essaya ensuite de faire des tyrans et jeta les yeux tour à tour sur Publicola, sur Spurius Cassius, sur Manlius. L’accusation que le patriciat adresse si souvent à ceux des siens qui se rendent populaires, ne doit pas être une pure calomnie. La crainte des grands atteste les désirs de la plèbe.

Mais il faut bien noter que, si le peuple en Grèce et à Rome cherchait à relever la monarchie, ce n’était pas par un véritable attachement à ce régime. Il aimait moins les tyrans qu’il ne détestait l’aristocratie. La monarchie était pour lui un moyen de vaincre et de se venger ; mais jamais ce gouvernement, qui n’était issu que du droit de la force et ne reposait sur aucune tradition sacrée, n’eut de racines dans le cœur des populations. On se donnait un tyran pour le besoin de la lutte ; on lui laissait ensuite le pouvoir par reconnaissance ou par nécessité ;

  1. Nicolas de Damas, Fragm. Aristote, Politique, V. 9. Thucydide, 1, 126. Diodore, IV, 5.