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lettre, montre que dès les premières années de la république, les clients étaient citoyens. Il y a grande apparence qu’ils l’étaient déjà au temps du roi Servius ; peut-être même votaient-ils dans les comices curiates dès l’origine de Rome. Mais on ne peut pas conclure de là qu’ils fussent dès lors tout à fait affranchis ; car il est possible que les patriciens aient trouvé leur intérêt à donner à leurs clients des droits politiques, sans qu’ils aient pour cela consenti à leur donner des droits civils.

Il ne paraît pas que la révolution qui affranchit les clients à Rome, se soit achevée d’un seul coup comme à Athènes. Elle s’accomplit fort lentement et d’une manière presque imperceptible, sans qu’aucune loi formelle l’ait jamais consacrée. Les liens de la clientèle se relâchèrent peu à peu et le client s’éloigna insensiblement du patron.

Le roi Servius fit une grande réforme à l’avantage des clients : il changea l’organisation de l’armée. Avant lui, l’armée marchait divisée en tribus, en curies, en gentes ; c’était la division patricienne : chaque chef de gens était à la tête de ses clients. Servius partagea l’armée en centuries, chacun eut son rang d’après sa richesse. Il en résulta que le client ne marcha plus à côté de son patron, qu’il ne le reconnut plus pour chef dans le combat et qu’il prit l’habitude de l’indépendance.

Ce changement en amena un autre dans la constitution des comices. Auparavant l’assemblée se partageait en curies et en gentes, et le client, s’il votait, votait sous l’œil du maître. Mais la division par centuries étant établie pour les comices comme pour l’armée, le client ne se trouva plus dans le même cadre que son patron. Il est vrai que la vieille loi lui commanda encore de voter comme lui, mais comment vérifier son vote ?

C’était beaucoup que de séparer le client du patron dans les moments les plus solennels de la vie, au